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La zone grise de la consommation d’alcool

Le choix des mots est important. Le nombre limité de termes pour décrire une consommation d’alcool problématique, notamment « alcoolique », « abstinence » et « toxicomanie », contribue à garder bien des âmes dans l’épais brouillard entre consommation sociale et destructive. J’ai réalisé à un moment donné que je n’avais plus le contrôle absolu sur les verres que je prenais. J’essayais de modérer, sans succès. Je souhaitais boire de façon sociale, mais semblais incapable de m’arrêter après un verre, malgré mes meilleures intentions. Je commençais à m’inquiéter.

Naturellement, je me suis tournée vers Google pour y voir plus clair! « Suis-je alcoolique? » lui ai-je demandé avec trépidation. Or, le simple fait de poser la question aurait dû agiter un gros drapeau rouge dans ma tête. Que j’en ai ressenti le besoin signifiait qu’inconsciemment, je savais que tout ne tournait pas rond, qu’il y avait problème. Mais Google m’a répondu avec des histoires d’horreur de gens qui se réveillent au poste de police, qui oublient systématiquement des pans entiers de leurs soirées ou qui ont besoin de leur dose matinale de vodka simplement pour sortir du lit. Que de soulagement! Je n’étais clairement pas alcoolique. Je pouvais arrêter de boire pendant des jours, voir des semaines. J’avais réussi un défi 28 jours haut la main! Tout est beau, on poursuit. Sauf que tout n’était pas beau.

L’Américaine Jolene Park a inventé l’expression grey area drinking ou « consommation en zone grise » pour décrire l’espace nébuleux entre le fond du baril et l’unique flûte de champagne au Nouvel An. Vous l’aurez deviné, c’est dans ces eaux que nagent la vaste majorité d’entre nous. Si de l’extérieur vous semblez tout maîtriser, mais dans votre for intérieur votre consommation vous inquiète, vous vous reconnaissez sans doute dans cette zone grise.

J’ai aussi l’expression « voie du centre ». Mais peu importe le vocable qu’on choisit, c’est une zone d’inconfort. Et parfois d’isolement, aussi, surtout pour celles qui remettent en question le rôle que joue l’alcool dans leur vie. En effet, nous vivons dans une société qui en fait une quasi-obsession, où les gens qui ne boivent pas sont regardés de travers. C’est la seule drogue – car oui, il s’agit bel et bien d’une drogue – où l’on ne nous demande pas pourquoi on la consomme, mais bien pourquoi on ne la consomme PAS! Demanderiez-vous à un fumeur pourquoi il tente d’arrêter? À un cocaïnomane? Bien sûr que non.

Si vous soupçonnez que vous êtes empêtrée dans cette fameuse zone grise, si vous êtes inquiète, sachez que vous n’êtes pas seule. Mais surtout, que ce n’est pas de votre faute. L’alcool est une substance incroyablement addictive, et d’innombrables bonnes et intelligentes personnes restent prises à son piège. Mais la bonne nouvelle, c’est que vous pouvez vous en sortir. Nul besoin d’attendre de sombrer dans les bas-fonds pour découvrir tous les avantages inattendus de la sobriété  un autre terme regrettable, mais bon!

Pour en savoir plus sur la zone grise, visionnez le discours TED de Mme Park (en anglais) :